Nécrologie d’un Fairphone

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On est le 9 mars 2025 et mon smartphone fête ses cinq ans. C’était mon objectif initial et je l’atteins aujourd’hui même. J’ai tiré le fil au maximum, peut-être pourrais-je tirer davantage jusqu’à ce qu’il ne rompe, mais je trouve plus sécurisant de changer dès à présent.

Voici sa nécrologie.

Mon rapport à l’entreprise

J’ai commencé à entendre parler de Fairphone autour de 2018, dans ces eaux-là. Mon attrait pour l’informatique durable et la gouvernance des données était déjà bien là depuis quelques années. Il s’agissait à l’époque du Fairphone 2. Avec le père de mon fiancé, nous décidons de lui offrir un FP2 pour remplacer son Wiko vieillissant. Iels étaient tout autant emballé·e·s que moi sur ce téléphone et les promesses de l’entreprise.

On part donc sur ce choix, avec un téléphone réparable, modulaire, long terme. On est en août 2019 et, alors que le téléphone de mon compagnon n’a que cinq mois, Fairphone annonce sa prochaine itération qui sortira le mois suivant. Nous nous sommes regardées bizarres en recevant la newsletter parce que nous partions du principe que le téléphone, bien qu’il soit sorti en octobre 2015 (soit trois ans plus tôt), était pour du long terme.

Petite ellipse temporelle, on est désormais en mars 2020 et je me fais voler mon Xiaomi Mi A2 Lite en me rendant au travail. C’est à ce moment que j’achèterai mon Fairphone 3. Les mois passent, je n’ai pas de soucis en particulier avec mon téléphone mobile, mais celui de maon fiancé oui ; le microphone ne fonctionne plus. Iel le démonte, nettoie les connecteurs, le remonte, rien à faire. On se dit que ce n’est pas grave, on peut racheter la pièce.

Cependant, 2 ans et 8 mois après la date d’achat, celle-ci n’est plus accessible et c’est alors la douche froide et ceci marquera le point de rupture entre le constructeur et lui.

Quant à mon téléphone, sa vie continue tranquillement. J’ai changé la batterie deux fois parce qu’elle est vraiment minable. Le connecteur de l’écran pète des plombs et se déconnecte régulièrement. J’ai donc, parfois, un téléphone en fonction sans écran, de manière aléatoire. Ça fait maintenant deux ans que le problème persiste. Je n’ai pas changé l’écran, car j’estime que le problème se situe sur le connecteur entre la carte mère et l’écran lui-même.

Il y a quelques mois, le port jack ne fonctionnait plus malgré son démontage, nettoyage, etc. J’ai pu acheter cette pièce neuve en septembre 2024, soit deux ans après la sortie de ces pièces.

Stock des pièces détachées du Fairphone 3 sur le site officiel du constructeur

Lorsque j’ai acheté le module supérieur pour changer le port jack, celui-ci incluait également l’appareil photo frontal, qui fut mis à jour avec l’arrivée du Fairphone 3+. La pièce correspondant à l’appareil photo dorsal, elle, était déjà indisponible. Alors que toute la rhétorique marketing de Fairphone est d’avoir un téléphone équitable, qui correspond à nos besoins, qui soit upgradable, pour avoir un téléphone qui dure. Pour que ça soit le dernier smartphone que tu achètes.

Malheureusement, ce n’est pas avec de nouveaux modules qu’on fait du fric. Et c’est là que tombe la désillusion ; Fairphone est une entreprise comme une autre, qui doit faire du chiffre pour plaire aux actionnaires, continuer à vivre, payer les salaires et continuer d’investir dans la recherche et développement pour un résultat net de 20 millions d’euro. L’écologie, ça rapproche rapporte.

En réfléchissant avec ce raisonnement, je me suis dit que je ne retournerai plus chez Fairphone pour mon prochain téléphone. J’ai beaucoup aimé le Fairphone 3, je pense que ce fut mon meilleur smartphone. J’avais mis Lineage dessus pour des raisons de vie privée où je mettais les mises à jour majeures dessus manuellement.

Pourquoi rester ?

Alors, pourquoi rester avec un Fairphone, si ce n’est le côté communautaire qu’on peut avoir avec les autres utilisateur·rice·s ? Croire en une entreprise pour minimiser nos déchets ? En 2024, la durée de vie moyenne d’un smartphone est toujours de 15 à 18 mois, les constructeurs continuent de sortir de nouveaux périphériques alors que rien n’évolue, à part des écrans plus grands, un meilleur taux de rafraîchissement, etc. Pourquoi aller chez Fairphone lorsque Samsung nous promet 4, voire 7 ans de mises à jour logiciels selon le téléphone ?

Selon moi, aucune. Surtout lorsque Fairphone annonce un téléphone tous les deux ou trois ans quand on peut avoir un Samsung A15 pour 215 € alors que Fairphone arrête la production de leur téléphone, des pièces séparées, pour au final arriver aux mêmes problèmes qu’avec un téléphone classique.

C’est ainsi qu’on arrive à ce mois de mars 2025 et mes questionnements.

Vie privée et gouvernance des données

Sans rien vous cacher, c’est écrit « geek » sur ma tête. Enfin, presque. Un aspect important pour moi et j’en parle régulièrement sur les réseaux ou dans la vie de tous les jours. Je n’ai aucune confiance à aucune entreprise pour gérer mes données. Par conséquent, elles sont toutes chez moi, dans mes disques durs personnels. Cloud à la maison et auto-hébergé, blog, documentation, etc. Cependant, Google, Facebook voire Microsoft sont tellement ancrés dans les Android qu’on trouve partout, qu’il est compliqué voir impossible de « dégafamiser » ces appareils. Bien sûr, on peut installer Nextcloud et tout dessus, mais je n’ai aucune envie de garder ces logiciels sur un device que j’emmène partout avec moi.

J’ai songé à prendre un iPhone. Vraiment. Mais 340 € pour un téléphone à la pomme reconditionné qui sera maintenu jusqu’à 2026… Flemme. Pour différentes raisons, j’ai décidé de réitérer le cycle. J’ai pris un Fairphone 4 en liquidation chez Proximus, à 300 €. Je trouve le prix justifié, moins cher que le FP3 lorsque je l’ai acheté, avec suffisamment de mémoire pour qu’il dure des années également. Mon souhait, derrière le greenwashing l’écologie affichée de la marque, c’est un téléphone sur lequel je peux mettre Lineage sans problèmes, avec une forte communauté derrière afin de ne pas tomber en galère dans quelque temps.

Donc, je reste chez Fairphone en ayant perdu l’espoir d’une révolution dans l’informatique mobile, mais, au moins, je reste maître de mes données. Au moins, pour le moment. Cette fois, mon objectif est de sept ans, deux de plus que le FP3.

Par contre, 40 balles pour une coque en plastique recyclé, vous ne vous foutez pas un peu de la gueule du monde, là ?

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