L’informatique en 2024 n’est plus pour moi.

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Ça fait un peu plus de 6 ans maintenant que j’ai quitté les bancs de la Haute-École. J’ai eu l’occasion de bosser sur différents projets ; du médical en passant par l’immobilier jusqu’aux media. Et plus j’y pense, plus je me demande si l’informatique est encore pour moi dans son état actuel et, sinon, que puis-je faire à mon humble niveau pour que mon utilisation et mon apport à ce monde soit bénéfique ?

Je m’explique.

Gif du film « They live » John Nada reqarde autour de lui et charge son fusil à pompe.

Écologie

Aux environs de mes 16 ans, notre professeur de morale nous a montré un documentaire sur les lapins. Je n’en n’ai plus jamais mangé. Ce fut le début de mon périple vers le long chemin du végétalisme où j’ai même été militante un temps. De fil en aiguille, j’ai appris des choses, pris conscience de certains éléments qui font aujourd’hui une énorme part de ce que je suis et sur quoi je me dirige ; il ne reste que le fromage dans mon alimentation qui a une source animale. On est aussi de plus en plus proche du zéro déchet. Les courants actuels de l’informatique sont un non-sens total dans ce mode de pensée.

Les intelligences artificielles qui font tant parler d’elles, scannent les sites internet (on parle de scrapping) pour compléter leur connaissance, jour après jour. Chaque page affichée consomme de l’énergie, parce qu’il faut calculer le résultat du serveur, transporter cette réponse jusqu’au serveur d’OpenAI, etc. Quand vous demandez quelque chose au bot, il faut qu’il calcule la réponse.

En septembre 2023, le coût de l’infrastructure complète de l’IA était de 100.000$ par jour, soit trois millions de dollars américain par mois. Imaginez ce qu’il faut pour arriver à une facture de 1M$ par mois.

Midjourney, Bird etc sont forcément moins mauvais, mais on reste dans les mêmes délires de grandeur, juste les proportions qui changent. Et pourquoi, au final ? Pour demander à ChatGPT de réécrire une phrase de powerpoint en un peu plus stylée parce qu’on a la flemme de réfléchir ou un manque de rhétorique ?

Il en est de même pour Windows 11. Plus particulièrement, des pré-requis d’installation de la dernière monture de Microsoft : TMP 2.0. Reuters a estimé que deux-cents-quarante-millions d’ordinateurs seront jetés parce que pas compatible avec le dernier OS de la firme. Alors oui, on peut bypasser cette limitation, mais rien n’empêche le propriétaire de vérifier ça et de bloquer votre accès à votre ordinateur puisque vous ne remplissez pas les conditions pour Windows. Ça me donne des envies de révolte, de luttes anti-capitalistes, d’aller casser de l’ultra-riche.

On peut donc on doit

Dans mon aventure professionnelle, j’ai fait quelques trucs dont je ne suis pas fière. L’objectif primaire de l’informatique est l’automatisation, cette dernière peut irrémédiablement conduire à des licenciements. Une des raisons pour lesquelles je suis absolument pour un salaire universel.

L’objectif des entreprises pour lesquels j’ai travaillé, et j’entends bien la totalité de celles-ci était de produire davantage pour davantage de rentabilité. Modifier tel bloc pour que læ client·e clique dessus et finisse par cliquer sur le lien “Acheter” en bas de la page. On appelle ça l’affiliation.

Gif du film « They live » en noir & blanc où les affiches publicitaires deviennent “conform”, “consume”, “watch”, “submit”, “sleep”, etc

Ou encore, forcer l’apparition d’un élément pour que celle-ci soit plus visible et augmenter les tarifs auprès des prestataires parce que nous-on-fait-mieux-que-les-autres. J’ai même vu des trucs vraiment chelous, comme des rafraichissements de pages web pour recalculer une visite, sauf que du coup la totalité des sites actuel le font. 🤦‍♀️

Tout ce qu’on peut faire et qui peut être profitable à la société (dans le sens employeur), nous devons le faire. Et c’est inutile de discuter, d’ailleurs. Moralement, j’ai toujours refusé de travailler sur tout ce qui touche à la publicité ou au blocage des bloqueurs de pubs, car j’estime que ce n’est pas à nous de gérer ça, mais directement les annonceurs. En gros, pas mon problème. Sauf quand un de ces bloqueurs de pubs affecte le côté métier de mon travail et empêchant le chargement d’un élément indispensable. Ce fut une grosse erreur de ma part ; les demandes ont commencé à abonder parce que nous étions capable de bloquer les bloqueurs. Vous imaginez la suite.

Décroissance

Je crois profondément à la décroissance. À la diminution de la consommation, des déchets, de la lenteur. Le monde actuel avance beaucoup trop vite pour que nos petits cerveaux de primate suivent. Quand, sous prétexte d’avancées technologiques, on jette des ordinateurs fonctionnels, ou sous prétexte que c’est trop vieux donc on ne maintient plus, on arrête de mettre à jour.

Je plaide un retour à l’Informatique humaine et à taille humaine. Purement et simplement. Un retour aux choses simples, où chacun·e pouvait héberger son petit truc à ellui, seul·e ou avec l’aide de quelqu’un·e. Si, par exemple, je loue un appartement, je connais le propriétaire, alors pourquoi ce n’est pas le cas sur les services numériques actuels ? On laisse nos vies à des personnes tierces sans jamais se demander si tout ça est vraiment normal.

L’informatique utilitariste

Pendant un moment, je me suis demandé si j’aimais ou si je détestais l’informatique. Je pense que je l’aime, profondément. C’est une passion et j’en ai fait mon taf. Mais comme beaucoup de gens, je me dis que le monde professionnel est très loin de ce que j’imaginais.

Il est dicté par l’argent, la croissance, l’acquisition, la déshumanisation. Nous sommes des “talents”, on nous félicite pour des “efforts communs”, par en avoir une plus grosse que celle du voisin.

J’aime l’informatique que j’appelle « utilitariste ». On a oublié que l’IT est un outil parmi d’autres. Un outil et non pas un produit à part entière. L’outil doit avoir un objectif et s’il ne le rempli pas — ou plus — alors, on change d’outil. Pourquoi devrais-je pouvoir aller sur internet depuis un traitement de texte ? Quand j’héberge mon wiki, c’est surtout pour moi et pour le partager.

Quand je suis sur mon instance de Pleroma — le Fediverse, c’est pour être en contact avec les gens que j’aime. C’est un outil de communication. Quand Meta annonce la compatibilité de Threads avec le Fediverse, c’est un moyen, un espace publicitaire.

Gif du film « They live ». Une première scène avec l’acteur principal en couleur et ses lunettes qui regarde la télévision avec le présentateur et derrière ce-dernier “Obey”.

L’informatique que j’aime permet à l’humain de faire des choses, ce n’est pas un moyen d’atteindre des objectifs.

Une solution ?

Difficile de trouver une solution. C’est plutôt la société de manière générale qu’il faudrait changer. C’est une philosophie qui n’implique pas la facilité, souhaiter rester sur de petits programmes, éviter les effets de mode, le boycott.

Pour ma part, j’aime beaucoup la philosophie Low-Tech, je suis vraiment curieuse de tout ça. Le Low-Tech Magazine correspond parfaitement à ma vision des choses, d’ailleurs. C’est un site qui fonctionne à l’énergie solaire et je trouve ça particulièrement cool.

En tant que professionnel·le·s, on peut aussi partir sur de l’éco-conception de nos productions, un guide absolument exceptionnel est d’ailleurs disponible. Nous pourrions également utiliser l’éco-index pour estimer si nous devrions utiliser ou non un site.

Ces outils sont pour moi une vraie mine d’or. J’adorerais retrouver mes ami·e·s sur un service décentralisé, mais tout ça deviendrait très compliqué à mon sens et je n’ai pas du tout envie de basculer dans l’entre-soit que je déplore également.

Gif du film « They live ». John est dans une pièce avec ses lunettes et son fusil à pompe, il arrive et dit “Je suis venu ici pour mâcher du chewingum et bottes des culs. Mais je suis à court de chewingum !

Bref, c’est ici que je vais vous laisser. Peut-être que vous avez appris quelque chose, que vous avez trouvé une personne qui pense comme vous ? Rassurez-vous, on est nombreux·ses. Le boycott est notre meilleure arme et la croissance n’est clairement pas infinie. Elle a une limite et nous y arrivons.


Photo d’illustration : Dollargill. 📷 Merci à Dryusdan pour la relecture. N’hésitez pas à lire son blog. 🫶

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